Alors que les interfaces numériques offrent une qualité croissante dans les domaines visuel et auditif, la dimension tactile reste encore largement sous-exploitée. Le projet MAPTICS s’inscrit dans ce constat, avec pour ambition de repenser le rôle du toucher dans nos interactions avec les écrans.
Les interfaces humain-machine actuelles fournissent des informations aux utilisateurs et utilisatrices presque exclusivement via des stimulation visuelles et auditives. Les efforts technologiques se sont concentrés sur l’optimisation des technologies basées sur la vision et l’audition, ainsi que sur l’interaction entre ces deux sens.
L’introduction d’un retour haptique adapté aux capacités auditives et visuelles pourrait améliorer l’acceptabilité des nouveaux appareils et applications numériques en fournissant un rendu plus convaincant. Par exemple, les applications dans le domaine éducatif et culturel (dans les écoles, les musées, les bibliothèques…) nécessitent d’interagir émotionnellement avec le public et de capter son attention, ce qui est aujourd’hui rendu difficile par l’hyperstimulation sensorielle ambiante.
C’est dans ce contexte que s’inscrit le projet MAPTICS, soutenu par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR). Il est porté par David Gueorguiev, chercheur affilié à l’ISIR, en partenariat avec Betty Lemaire-Semail du laboratoire L2EP (Université de Lille). Le projet vise à développer un nouveau cadre haptique multimodal, en étudiant comment les utilisateurs et utilisatrices intègrent les différents signaux sensoriels dans une expérience unifiée.
Développement d’un cadre multisensoriel pour l’haptique
Le projet MAPTICS a pour but de créer un nouveau cadre haptiques multimodales, pour des systèmes qui combinent plusieurs types de sensations, comme le toucher, la vue et l’ouïe. Il cherche à comprendre comment les utilisateurs et utilisatrices perçoivent et combinent ces différents signaux sensoriels en une expérience cohérente, et à identifier les aspects du toucher les plus importants à reproduire dans les environnements numériques et virtuels.
Pour cela, le projet étudiera notamment le potentiel de techniques qui associent des vibrations et des effets de frottement (appelées techniques vibro-frictionnelles), ainsi que l’effet du renforcement multisensoriel, c’est-à-dire la combinaison coordonnée du toucher, du son et de l’image, pour créer l’illusion de manipuler des objets en 3D sur un écran.
MAPTICS explore aussi comment ces sensations tactiles peuvent être intégrées dans les futures interfaces numériques, pour rendre l’interaction plus réaliste et immersive. À terme, cette recherche permettra de concevoir et de tester de nouvelles interfaces humain-machine, à la fois pour le grand public et pour les personnes ayant des déficiences sensorielles.
Le projet repose sur trois grands axes de développement :
– Le premier consiste à concevoir un écran interactif intégrant à la fois des retours haptiques (vibrations, frottements) et des capacités audiovisuelles haute résolution.
– Le deuxième axe vise à établir un cadre versatile pour le rendu multisensoriel et l’utiliser pour comprendre les processus cognitifs en jeu lors du traitement des données multisensorielles.
– Enfin, sur la base de ces deux volets, MAPTICS développera une interface utilisateur-utilisatrice avec un retour haptique multisensoriel renforcé à haute résolution. Cela permettra d’étudier des scénarios liés à la navigation dans des cartes interactives multisensorielles ou à l’utilisation de boutons virtuels.
Explorer la complémentarité des technologies haptiques
Une des originalités de MAPTICS tient à l’association de deux techniques encore rarement combinées : la stimulation vibrotactile et la lubrification ultrasonique. Chacune a ses limites – les vibrations mécaniques peinent à simuler des formes précises, les ultrasons sont moins efficaces lorsque le doigt ne bouge pas – mais leur combinaison pourrait lever ces obstacles.
Cette approche conjointe n’a encore jamais été étudiée en profondeur. Elle pourrait permettre de mieux reproduire des textures, des formes ou des résistances sur un écran plat, et ainsi rendre les interfaces tactiles plus expressives. À plus long terme, MAPTICS espère favoriser une convergence entre ces deux champs de recherche encore trop cloisonnés, pour encourager le développement de dispositifs tactiles plus intégrés.

L’ISIR offre un environnement particulièrement favorable à ce type de recherche : le laboratoire dispose d’une forte expertise en robotique, en interaction humain-machine et en neurosciences, et réunit des scientifiques aux profils variés. Ce cadre interdisciplinaire permet d’aborder les enjeux du projet sous plusieurs angles, techniques comme cognitifs.
Contact scientifique : David Gueorguiev, chercheur affilié à l’ISIR
Publié le 22/04/2025.