Source de l’article : Sorbonne Université
Dans un monde où la technologie façonne notre quotidien à un rythme effréné, une question persiste: l’intelligence artificielle peut-elle être douée de créativité ?
Matthieu Cord, professeur en informatique spécialisé en intelligence artificielle (IA), et Hugo Caselles-Dupré, cofondateur du collectif Obvious et pionnier de l’utilisation de l’IA dans la création artistique, explorent les synergies, les défis éthiques et les horizons futurs de la fusion entre art et algorithmes.
En quoi l’IA générative diffère-t-elle de la créativité humaine, et comment ces deux formes de création peuvent-elles collaborer ou se compléter ?
Hugo Caselles-Dupré : Aujourd’hui, l’art n’est pas défini par la technique, mais par la volonté d’une personne d’exprimer un message et de rencontrer son public. Or les algorithmes ne peuvent pas, pour le moment, avoir d’intention, d’autonomie propre à créer, puisqu’ils sont toujours développés par un humain. Cependant, l’IA générative ouvre de nouvelles perspectives pour les artistes en leur offrant des possibilités techniques et esthétiques inédites.
Concrètement, elle révolutionne les processus créatifs en facilitant certaines étapes de la création et en élargissant le champ des possibles. Par exemple, elle peut fournir aux artistes des outils pour produire plus rapidement des esquisses, des prototypes ou différentes stratégies pour développer un thème donné. Dans le domaine de l’écriture, l’IA est capable de reproduire des règles implicites utilisées dans la construction de romans ou de scénarios. Pour la création visuelle, elle peut créer une image selon le style de tel ou tel artiste, en fonction des images qu’on lui aura fournies pendant l’apprentissage.
Matthieu Cord : Comme ce qui s’est produit dans le cas des échecs ou du go, l’IA permet de trouver des combinaisons et des positions encore inexplorées par les humains. En cela, elle peut agir comme un catalyseur pour l’inspiration et l’expérimentation et les algorithmes de génération automatique ouvrir de nouvelles voies créatives dans le domaine artistique.
Pouvez-vous partager des exemples de projets artistiques réalisés avec l’IA ?
H. C. D. : Dans notre collectif Obvious, nous avons par exemple réalisé la série de peintures Belamy, une série de onze portraits dont l’un a été sélectionné par Christie’s et vendu aux enchères à New-York pour près d’un demi-million de dollars. Dans cette œuvre, il ne s’agit pas de retouche d’image, mais bien de fabrication d’images générées à l’aide d’algorithmes, similaires à ceux utilisés en recherche, et entraînés sur un vaste corpus d’œuvres artistiques.
M. C. : Nous pouvons aussi évoquer le projet autour de la pièce inachevée, L’Astrologue, de Molière. Des collègues de la faculté des Lettres nous ont demandé de générer du texte dans le style de l’auteur en entrainant des algorithmes sur les écrits de Molière. L’objectif est ensuite de travailler avec le Théâtre Molière Sorbonne pour affiner ces algorithmes et avoir une génération de plus en plus pertinente. En parallèle, des algorithmes de génération d’images pourraient être utilisés pour créer des suggestions de costumes, de décors et de mises en scène qui s’harmonisent avec l’esthétique de l’époque.
Contact scientifique à l’ISIR : Matthieu Cord, professeur des Universités
Publié le 22 avril 2024.