Prothèses actives(1) et performance handisport(2)
Le coup d’envoi de l’édition globale du Cybathlon 2020 a été donné en ligne le 13 novembre. Initialement prévue en mai 2020 à Zurich, la compétition s’est tenue sous un format 100% local et digital en raison du contexte sanitaire actuel. Cette organisation décentralisée a permis à chacune des équipes participantes, composées de pilotes et ingénieurs, de s’aligner dans l’une des six disciplines proposées : course d’interface cerveau-ordinateur (BCI), course de vélo à stimulation électrique fonctionnelle (FES), course de prothèse de bras motorisé (ARM), course de prothèse de jambe motorisée (LEG), course d’exosquelette motorisée (EXO) et course de fauteuil roulant électrique (WHL).
Une première participation pour l’équipe Smart ArM de l’ISIR (Sorbonne Université/CNRS/INSERM)
Les équipes concurrentes ont enregistrés leurs parcours sous l’oeil d’arbitres externes recrutés localement et des officiels en visioconférence depuis la Suisse et ont suivi la diffusion de l’événement et l’annonce des podiums depuis leurs pays respectifs. Représentée par le compétiteur et ancien sportif paralympique Christophe Huchet, l’équipe SAM s’est classée à la 10e place dans la discipline ARM. L’athlète, le seul concurrent de la course qui est né sans coude et sans avant-bras, s’est mesurer à un défi de nature qui consiste à piloter une prothèse sophistiquée développée à l’ISIR et conçue spécialement pour lui. Grâce à son engagement et au soutien expert de ses co-équipiers, l’équipe SAM a su tenir le cap et répondre à une exigence de plus en plus présente dans le monde de la robotique : faire un pas de géant vers l’intégration de l’humain dans la co-conception des prothèses actives en se basant sur son retour d’expérience et en la/le considérant comme partie prenante de tout progrès futur.
Des épreuves combinées : vers une interaction bi-manuelle habile
Avec un mental d’acier, les compétitrices et compétiteurs de la discipline ARM ont accompli des tâches de la vie de tous les jours en respectant le temps imparti pour la course. Pour ce faire, les pilotes devaient utiliser des ustensiles de cuisine, s’habiller, étendre du linge, déplacer des objets de formes et tailles différentes, changer des ampoules, identifier des objets au touché et empiler des gobelets pour construire une pyramide, le tout dans un temps record. Le but est d’améliorer la rapidité et de garantir une précision du geste.
L’Homme apprenant en dehors du modèle «capacitaire »(3)
La dextérité technique est au cœur de la recherche d’une efficacité accrue et nécessaire à toute personne appareillée souhaitant augmenter ses moyens d’interaction avec son monde. L’assemblage « Homme-machine » permet aujourd’hui de souligner l’importance du processus d’apprentissage dans l’appropriation de l’appareillage prothétique. Les épreuves des six disciplines confondues du Cybathlon permettent de nouer avec le rêve d’Olympe et de l’acclimater à un contexte ou technologies robotiques et sciences du mouvement sont des matrices possibles pour interroger les limites du corps humain tout en respectant sa diversité et la multiplicité des récits qui l’animent.
Réinventer le geste sportif
En élargissant le champ du mouvement sportif, le geste compétitif tient désormais compte des obstacles qui se présentent à toute personne présentant un déficit moteur. La compétition du Cybathlon marque dans ce sens un vrai tournant vers un nouveau modèle sportif. Les épreuves sont pensées pour refléter le niveau d’endurance mentale et physique à laquelle l’opérateur et l’opératrice d’une prothèse sont confrontés en réalisant des tâches du quotidien. Cet événement qui pourrait devenir une date phare du calendrier compétitif international rassemble des équipes du monde entier et vise à créer des synergies entre les différentes porteuses et différents porteurs de ces technologies robotiques ainsi que les experts scientifiques du domaine. L’assemblage « Homme-machine » continuera dans ce sens à se découvrir en plaçant l’accent sur l’importance du rôle de l’humain dans toute recherche future.
Si la recherche d’une meilleure efficacité est au cœur de ce processus d’apprentissage, il en est de même pour des questions de fatigue, bonheur, épanouissement et démocratisation d’accès à ces appareilles prothétiques, des thématiques qui intéressent nos chercheuses et chercheurs dans un contexte qui allie science et études sur le handicap(4). En attendant la prochaine édition du Cybathlon qui aura lieu dans 4 ans, les yeux de toutes et tous les passionnées du dépassement de soi restent rivés sur les nouvelles disciplines qui verront le jour.
>> Visionner le reportage du CNRS <<
>> Revoir la course de l’équipe SAM <<
Contact référent : Nathanaël Jarrassé, Chargé de recherche au CNRS, nathanael.jarrasse@sorbonne-universite.fr
(1) Se distinguent des prothèses passives qui sont utilisées dans le cadre des compétitions handisport.
(2) Le mot handicap provient de l’expression anglaise « hand in cap » ou « main dans le chapeau », une référence à un jeu de loterie ou échange d’objets. La première utilisation du terme dans un contexte sportif date du 18esiècle. Le handicap désignait un désavantage imposé à un concurrent habile de niveau sportif supérieur afin de garantir une chance égale de gagner aux autres compétiteurs (exemple : imposer un poids ou une distance supplémentaire dans le cadre d’une course de chevaux).
(3) Traduit de l’anglais, ableism ou disablism, discriminatin envers des personnes en situation de handicap. Voir Stanford Encyclopeadia of Philosophy, Critical disabilité theory.
(4) Voir manifeste du collectif corps et prothèse.
Source : Sorbonne Université